Le conte des premiers kizoyu, narré par la djēli ZA Anãela Mamake.
Ce texte nous conte qu’il y a plusieurs dizaines de milliers de cycles de cela, le Céleste messager MU IDA descendit des étoiles sous la forme d’un Ancien de douze coudées de haut, avec pour mission de guider les premiers mortels en leur apprenant l’art, l’amour et l’essence de la vie.
Cependant, lors de sa descente sur terre, c’est sa tête qui frappa le sol en premier, et il fut pris d’amnésie, ce qui lui fit oublier qui il était, son nom, d'où il venait et même le langage des Célestes.
Sans aucun repère, il parcourut les étendues du monde ; de la jungle au désert le plus aride, sans but, avant de tomber sur une panthère au pelage et aux pupilles argentées.
Le félin lui dit qu’elle se sentait seule, car personne dans le règne animal ne voulait s’associer avec elle, puisqu'elle ne leur ressemblait pas. Le plus terrible était que même les mortels la craignaient, puisqu'ils ne pouvaient comprendre son parler. Ils n’entendaient que des rugissements étouffés lorsque celle-ci tentait de les approcher et de communiquer avec eux.
Le Céleste se sentait seul, lui aussi…
Comme la panthère, il ne ressemblait à personne d’autre sur ces terres étrangères et, de plus, ayant oublié ses propres origines, il était incapable de se souvenir de qui il était et pourquoi il était là. Il demanda alors à la panthère si elle voulait parcourir le monde à ses côtés, car peut-être que la mémoire lui reviendrait en compagnie de sa nouvelle amie. Avec la plus grande satisfaction, la panthère accepta.
Ils parcoururent ainsi, pendant plusieurs cycles, les forêts, les champs, les montagnes et les déserts du monde en se cachant des mortels qui les chassaient ou tentaient de les tuer aussitôt qu’ils les apercevaient.
Cependant, MU IDA et la panthère étaient bien différents sur plusieurs aspects. Le Céleste n’avait pas besoin de se nourrir et ne dormait jamais. Il ne vieillissait pas et ne souffrait ni de la lourde chaleur de l’orbée ni du froid glacial de la nuit. Il se contentait d'être et d’observer le monde changer autour de lui. Pourtant, avec le temps, il sentait en lui s’éveiller une chose, unique et indicible qui semblait le transformer en profondeur de l’intérieur… Une chose qui, bien des cycles plus tard, changerait la face du monde.
Sa fidèle amie, la panthère, elle, se nourrissait de viande et devait ôter la vie afin de se sustenter. Elle s’endormait durant l’orbée pour se réveiller au crépuscule du soleil couchant. Son caractère restait quant à lui invariable, toujours émerveillée par le monde qui l'entourait, comme si elle découvrait la vue à chacun de ses réveils.
Le pelage de sa fourrure semblait, quant à lui, changer de couleur en fonction de son humeur : blanche, tachetée de cercles rouges lorsqu’elle se sentait heureuse ou jaunâtre lorsqu’elle ressentait de la peur. Elle pouvait aussi devenir noire lorsqu’un mélange de sentiments de gratitude, de mélancolie et d’amour indéfinissable l’envahissait, tout comme les iris de ses yeux qui changèrent au gré de ses émotions…
Lorsqu’elle dormait, sa fourrure blanche argentée étincelante revenait, comme si elle renaissait. Cependant, plus les cycles passaient, plus son pelage s’assombrissait pour finalement rester teinté de gris foncé, avec de faibles variations selon son humeur. Quant à ses yeux, ils ne perdirent rien de leur éclat.
Une nuit, la panthère demanda à MU IDA s’il voulait lui donner une progéniture avant que la vie ne l’abandonne, ce que le Céleste accepta. Néanmoins, ni l’un ni l’autre ne pouvait deviner ce qu’il en ressortirait.
À leur grand étonnement, de cette union naquirent trois enfants, qui dérobèrent la vie de leur mère, ne pouvant survivre à la mise au monde.
Ainsi naquit GALĀT (Ga-la-at), celui dont on dit qu’il s’est nommé par lui-même. Il est dépeint dans sa forme la plus majestueuse, assis, les griffes agrippant un soleil flamboyant, ses deux immenses ailes déployées, démesurées, dépassant de loin la taille de son propre corps. Sa tête et l’avant de son corps sont ceux d’un aigle royal, tandis que l’arrière-train révèle les traits d’un grand félin.
Cet Esprit Primordial est souvent perçu comme une figure quasi omnipotente. Il est le gardien du temps et de l’espace, détenteur des secrets de la divination. La tribu spirituelle, dans leurs rituels, l’invoquent pour écarter le voile des cycles à venir.
Le Céleste donna à son deuxième enfant le nom de MĀT (Ma-at). Cet Esprit Primordial, tantôt représenté sous les traits d’un loup à tête de hibou, tantôt représenté sous les traits d’une silhouette féline et longiligne, couronnée d’une tête humanoïde aux contours androgynes cuivrée, mais pouvant aussi changer d’apparence à sa guise. Souverain du royaume des rêves et de la nuit, MĀT est aussi connu pour apparaître là où on l’attend le moins, pour rendre la justice et exaucer les souhaits.
Il est celui qui, d’après les nombreux ouvrages écrits à son sujet, n’aurait jamais eu de corps métaphysique tel qu’on puisse l’imaginer.
Enfin, le dernier des enfants porte le nom de MAKŪTA (Ma-kou-ou-ta). Le roi des félins, le maître de la parole et de l’endokã. D’une taille titanesque, ce dernier est représenté dans sa forme la plus commune sous les traits d’une panthère blanche, dont le corps est constellé de myriades d’yeux lumineux, disséminés comme autant d’étoiles sur sa silhouette…
Les descendants de MAKŪTA, sont appelés, de nos Lunes, les mingwa.
Bien que partiellement dompté par notre peuple, l’esprit du mingwa, insondable pour tous les autres alkeb, est alors devenue avec le temps l’emblème de mon clan, le symbole de l’unité de ma famille et de la force de la lignée des Mamake.
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