BIENVENUE À ALKEBWORLD

LAISSE MOI TE RACONTER MON HISTOIRE...

Portrait d'Olivia Dubois, héroïne du livre Alkebworld. Elle est vue de face, portant une tenue alkeb, avec des yeux verts et des tresses rouge-orange. Dans un temple à alkebula

Coucou !

C'est moi, Olivia… Mais tu peux m'appeler Liv'. C’est avec une joie sincère que je vais te raconter mon histoire. T’ouvrir les portes de mon monde et te révéler des secrets familiaux longtemps restés dans l’ombre… Même pour moi.

En entendant mon récit, je n’aurai qu’une seule requête : ouvre grand ton esprit et laisse tes certitudes derrière toi… Car ce que tu es sur le point de découvrir dépasse tout ce que tes croyances et tes livres scolaires t’ont appris.

Là où je t’emmène se trouve bien au-delà des routes tracées par l’humanité. Et si tu tentais de situer le Royaume Alkeb sur une carte, tu chercherais en vain.

Officiellement, il n’existe pas… Du moins, aux yeux du monde.

Officieusement ?

Il s’étend quelque part au cœur de l’océan Atlantique Sud, entre les côtes du Brésil et celles de l’Afrique du Sud. Un continent hors du temps, dont l’histoire remonte à des âges immémoriaux…

Ah oui… J’oubliais. Moi, je suis ce qu'on appelle “une gosse de riche”, élevée dans les quartiers sud de Bruxelles, au Marais...

Mais c’est à Órelota que j’ai atterri, par un enchaînement de circonstances bien trop longues à expliquer pour l’instant. Ne t’en fais pas, je te les raconterai plus tard.

Órelota est devenu mon pays d’adoption. J’y ai appris, grandi, et me suis laissé bercer par les légendes Alkebs, ce peuple ancestral dont je fais partie, et qui a toujours su préserver son équilibre, loin des regards indiscrets.

Enfin… En apparence.

Il y a quelque temps, un ami alkeb, lui aussi un gosse de riche, m’a fait découvrir un personnage fascinant : un djele. Le Maître des Mots, comme il se fait appeler.

Un conteur incroyable, capable de donner vie à ses récits et de faire voyager ceux qui l’écoutent. Le genre d’homme qui grimpe sur les chaises et les tables, qui module sa voix, qui déborde de passion et d’émotion quand il se met à conter.

Le genre de personne dont on pourrait écouter les histoires des heures entières sans jamais décrocher.

En l’écoutant narrer, avec son verbe chantant et imagé, les épopées mythiques de mes ancêtres, j’ai ressenti, pour la première fois, une réelle fierté d’être une alkeb.

Il parlait comme s’il avait lui-même vécu en ces temps lointains… Et moi, je me suis mise à rêver d’y être.

Lorsqu’il ne voyage pas à travers le royaume, ce djele réside au Nār, où il a l’honneur de divertir le Roi et sa cour avec les récits glorieux du clan Mamake.

Mais aujourd’hui, c’est mon histoire que je veux te raconter… Et, en toute humilité, celle de ma famille mérite d’être entendue.

Non, je ne suis pas une djeli et je n’aurai sans doute jamais le verbe des plus grands conteurs.

Moi, je suis simplement une petite alkeb bruxelloise qui s’est retrouvée, du jour au lendemain, plongée dans un monde inconnu, avec des événements qui… avec le recul, m’ont complètement dépassée. Et à mon sens, ça méritent d’être racontés.

À travers mon histoire, je t’offre une opportunité rare, celle de découvrir mon monde.

Un monde qui t’est encore inconnu.

Un monde si vaste que tenter d’en imaginer les limites serait une insulte à son immensité.

Tu doutes encore ?

Dis-moi… as-tu déjà ressenti, au plus profond de toi, les émotions d’une autre personne comme si elles émanaient de ton propre cœur ?

Ou bien… T’es-tu déjà retrouvé face à face avec une panthère géante de la taille d’un cheval, chevauchée par un guerrier armé jusqu’aux dents ?

Voilà… C’est bien ce que je pensais.

Mais avant d’aller plus loin, un petit détail amusant, ici, les jours de la semaine n’existent pas. À la place, on compte les journées en orbées, et les mois en lunes… Curieux, n’est-ce pas ? Tu verras, on s’y fait.

AVANT MOI, IL Y AVAIT EUX...

Récemment, lors du dernier diner avec ma famille avant de partir pour le pays d'Odon, ma sœur et moi avons appris une chose.
Les origines alkeb du côté de ma mère en plus de celles de notre père...

Tout commença il y a près de 220 ans avec Awa, mon arrière-arrière-arrière-grand-mère.

D’après ce que ma mère et ma marraine nous ont raconté, Awa était issue de la tribu de l’eau et native des Trois Lunes , dans une région assez reculée et modeste située au sud de l'île de Kózane. C’est là qu’elle rencontra Djamãri, mon arrière-arrière-arrière-grand-père.

Il était un marin de l’air originaire lui aussi des Trois Lunes et natif de Namale, l'île voisine de Kózane située au nord et partageait, tout comme Awa, la culture de la tribu de l’eau. De leur union naquit mon arrière-arrière-grand-père, qu’ils nommèrent Fëana, en référence au cycle lunaire du calendrier alkeb, qui portait ce nom au moment de sa naissance.

Les années passèrent, et Fëana s’unit à son tour à Adama, un sang-mêlé de la tribu de l'eau du sud natif des Îles Pourpres, à l'ouest de Kagatonde.

Mais, le destin de notre famille bascula tragiquement en 1903, lorsqu'un séisme, suivi d'une éruption volcanique à Kózane, dévasta leur village et une grande partie du sud de la région des Trois Lunes... Seules des ruines et des volutes de fumée témoignaient de la catastrophe. Le tsunami qui a suivi a emporté d'innombrables victimes, comptées par centaines...

Ce jour-là, on dénombra pas moins de 3 852 morts, et un deuil national fut décrété par le roi. Parmi les disparus figuraient Adama, Awa, Djamãri et tant d’autres… Mes aïeux…

Après ce drame qui ébranla tout le royaume, Fëana, la seule rescapée de la famille, se réfugia en Afrique, pour des raisons qui, à ce jour, restent inconnues…

Cependant, son voyage prit une tournure tragique lorsqu’elle fut capturée par des colons traquant les Hommes-Léopards, accusés de semer la terreur à travers l’ouest du Congo par de violents meurtres et enlèvements nocturnes.

Fëana tomba tomba entre leur main, et...fut réduite en servitude forcée durant plusieurs mois au sein d’une riche et influente famille belge installée dans la région proche du fleuve Congo.
Durant cette période, mon arrière-arrière-grand-mère, Fëana, subit de nombreuses violences, tant physiques que morales, de la part de la famille qu’elle se devait de servir.
Elle tomba finalement enceinte du fils aîné du baron, Achille Dubois.

Les circonstances de cette grossesse restent floues. Selon ma mère, qui apprit cette histoire de mon grand-père, il n’a jamais été clair si cette grossesse était volontaire… ou forcée.
Les quelques lettres retrouvées dans une boîte remplie de correspondances laissent entrevoir des violences perpétrées, en particulier par le cadet de la famille, Albin Dubois… Mais... rien, à propos d'Achille Dubois, qui semblait être, au vu des quelques mémoires et photos que je pus voire de lui, être un homme, humble et féru de sciences.

Nous savons qu'un serviteur de la famille, un Congolais, a finalement deviné la véritable origine de Fëana. Grâce à diverses déductions liées à son apparence physique singulière, son ignorance des langues locales et le mystère entourant son passé, il a compris qu'elle n'était pas une Africaine sauvageonne issue d'une tribu quelconque, comme certains l'avaient supposé, mais bel et bien une alkeb.

D’autres habitants du village, persuadés qu’elle était liée aux Hommes-Léopards, suggérèrent qu’elle soit bannie, emprisonnée… ou brûlée vive.

Heureusement, il n’en fut rien. Autrement, je ne serais pas là pour vous raconter cette histoire.

L’homme qui l’avait mise enceinte savait que Fëana était différente des autres femmes.
Plus grande… Plus belle… Plus noire… Plus pure que toutes les autres. Et vraissemblablement, était subjuger par les prouesse de danse de Fëana qu'il appelait dans ses missives sa "Panthère Noire".

Achille Dubois, mon aïeul, en total désaccord avec sa mère et son cadet, qui voyait cette union comme une disgrâce, lui proposa de l’épouser et à l’accompagner en Belgique une fois la guerre finie.

Fëana accepta, à une seule condition, conserver son prénom alkeb.
En échange, mon arrière-arrière-arrière-grand-père lui accorda cette faveur, mais lui imposa une règle stricte. En Belgique, elle ne devrait jamais révéler sa véritable nature alkeb, ni à sa famille ni à quiconque. Afin  de s’assurer que leur enfant puisse un jour hériter du titre de baron, il exigea qu’il soit baptisé sous un prénom chrétien et élevé comme tel.

Une fois leur accord conclu, elle le suivit en Belgique après la fin de la guerre. Là, comme promis, elle l’épousa lors d’un mariage traditionnel chrétien.

Forte de la fortune colossale que la famille Dubois avait amassée au fil des années grâce à l’exploitation de l’ivoire, de caoutchouc et des diamants au Congo, Fëana Dubois devint baronne, au même titre que son époux, à la mort du père de ce dernier.

Cependant, de nombreuses rumeurs circulaient à son sujet, tant son apparence noiraude tranchait avec les codes de la société conservatrice belge, peu encline au métissage à l’époque… et encore moins au métissage inter-espèces.
On parlait ici d’une femme noire, issue d’un pays perçu comme sauvage, mariée à un homme de la jeune noblesse, un baron.

On la surnomma rapidement "la Panthère Noire" un nom qui lui resta dès son entrée à l’école de danse classique. Si bien que partout où elle passait, elle captait les regards, suscitant étonnement, curiosité… et jalousie. La danse semblait couler dans ses veines comme une seconde nature, à tel point qu’en à peine quatre ans, elle devint la danseuse étoile de la troupe lors d’une tournée. Ce succès fulgurant déclencha parmi ses propres coéquipières, une vague d’amertume et de jalousie, qui brisa net ses rêves d’avenir dans cette carrière...

Malgré cela, elle éleva son fils, Florentin Dubois, avec tout l’amour qu’une mère puisse porter à son enfant. Et à Bruxelles, il fréquenta les meilleures écoles et grandit dans un certain confort.

Peu après sa majorité, il épousa son amie d’enfance et camarade de classe, Nelly Van Haelen, une jeune femme d’origine flamande, fille du général Henri Van Haelen, ancien officier colonial spécialisé dans les opérations en Afrique de l’Ouest.

À seulement 17 ans, lors de son mariage, Nelly Dubois, mon arrière-grand-mère, donna naissance à deux enfants : Rose Dubois, ma grande-tante, et Narcisse Dubois, mon grand-père.

Dans sa jeunesse, mon arrière-grand-mère, devint l’égérie d’une marque de maillots de bain, ainsi que créatrice de sa propre ligne de chapeaux pour femmes. Mais lorsque la guerre éclata, elle fut réquisitionnée comme de nombreuses femmes de l’époque pour la confection des uniformes militaires des hommes.

Bien que, selon les témoignages posthumes, ainsi que les différentes lettres et articles que j’ai pu lire lorsque ma mère m’a raconté cette histoire à ma sœur et moi, mon arrière-grand-mère n’a jamais connu la véritable ascendance alkeb de son mari...

Selon ma mère, mon arrière-arrière-grand-père, le baron Achille Dubois, affirma tout au long de sa vie que son épouse, la baronne Fëana Dubois, était la fille d’un chef des Hommes-Léopards du Congo.
Il prétendait que ce dernier lui avait offert la main de Fëana en échange de la protection de soldats belges contre des clans rivaux, notamment un groupe établi de l’autre côté de la rivière séparant les deux villages.
Une histoire inventée de toutes pièces, naturellement…

Néanmoins, pour une raison que l’on ignore, mon arrière-grand-mère, Nelly, était convaincue que ses enfants seraient un jour sauvés par les alkebs.
Son mari, Florentin, ainsi que le reste de son entourage, la considéraient comme folle, sujette à des hallucinations qu’elle retranscrivait dans de nombreuses lettres et dessins inspirés de ses rêves…

Jusqu’au jour où, alitée depuis plusieurs jours dans un hôpital de fortune, affaiblie par une blessure à la jambe causée par un éclat d’obus qui lui avait sectionné les tendons, elle reçut une visite qui allait changer à jamais le destin de ma famille… et, à certains égards, la face du monde entier.

L’alkeb, qui, disait-on, lui apparut sous les traits d’un vieil ami de la famille, lui révéla qu’il venait du pays d’Odon. Il lui annonça qu’il était venu sauver ses deux enfants de la guerre et que sa descendance, à travers eux, devait être préservée pour le bien de l’équilibre mondial.

Quelques semaines plus tard, en pleine mer, sur le front, mon arrière-grand-père apprit la mort de son épouse dans ce même hôpital, ainsi que le sauvetage de ses enfants par celui que l’on surnommait l’Ange Gardien.

Avant de tomber au combat lors d’un assaut allemand, deux mois plus tard, à l’âge de seulement 23 ans, il envoya une dernière lettre à son père, le baron Achille Dubois, mon arrière-arrière-grand-père.

Quant à mon arrière-arrière-grand-mère, elle survécut à la guerre. En 1960, sachant qu’en tant qu’épouse du baron, elle perdrait automatiquement son titre de baronne à la mort de son mari, et bon nombre de ses privilèges, étant encore aux yeux de beaucoup une sauvageonne congolaise, elle fit appeler ses deux petits-enfants du Royaume Alkeb.
Elle souhaitait qu’ils puissent faire leurs adieux à leur grand-père, alors âgé de 76 ans, alité et affaibli par un cancer contre lequel il se battait depuis plusieurs années.

Mais une fois sur place, mon arrière-arrière-grand-mère leur remit leur héritage. Une immense propriété ressemblant à un manoir, située au sud de l’Espagne, qui deviendrait plus tard la maison de vacances de toute notre famille.
À cela s’ajoutait un second bien immobilier, la maison dans laquelle mes arrière-arrière-grands-parents avaient vécu près de trente ans, en plein cœur de Bruxelles, et s’étendant sur trois étages.

Des années plus tard, mon grand-père, lassé de la démesure de ses aînés, décida de diviser cette maison en plusieurs appartements afin d’y installer des locataires. Ainsi, il devint rentier et prit sa retraite à seulement 41 ans.
Il choisit d’occuper le rez-de-chaussée avec ma grand-mère, qui décéda en 2015.

Mon arrière-arrière-grand-mère transmit également à ses deux petits-enfants l’atelier de couture de la "Maison Van Haelen", la marque de vêtements fondée près de trente ans plus tôt par leur mère, qui deviendra par la suite un véritable business familial.

Quant à la suite de l’héritage… et à ce que mes aïeux firent ensuite… ainsi qu’au rôle que ma petite sœur et moi jouerons bien des années après cette retrouvaille… Disons que l’histoire de l’Esprit Nu devrait t'en révéler davantage.

Mais avant ça…

J'aimerais que vous connaissiez un élément important de ma vie.

Un simple décision, qui me sauva la vie, ainsi que celle de ma sœur.

Cette décision, prise en une fraction de seconde, que je n’imaginais pas, à l’époque, qu’elle bouleverserait tout le cours de mon destin.

Et cette décision, je l’ai prise en 2011...

Le jour où j’ai croisé la route d’un serial killer, du nom de Peters Mertens, ce fut le jour où Olivia laissa place à l'Esprit Nu.

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