WELCOME TO ALKEBWORLD

Cette rebutante odeur de mort, à en donner la nausée, à en faire remonter les tripes.
L’âpreté des corps malades, des corps sans vie, du sang chaud sur le sol brûlant…
Et les ricanements des hyènes enragées, enfermées dans leurs cages.

Une fois encore, le sang avait coulé au Ān.

Huit Alkebs au total, tous incriminés pour vol, escroquerie, braconnage ou meurtre, avaient péri dans la fosse.
Défaits, ils furent déchiquetés à coups de mâchoires par les hyènes, sous les regards amusés et jubilatoires des spectateurs…
Et ceux des membres du clan Këta, qui, pour perpétuer leur tradition, s’enorgueillissent de n’avoir jamais manqué une seule exécution dans la fosse, depuis que celle-ci fut instaurée par l’un de leurs ancêtres.

Quelques heures seulement après la boucherie, ZA Dãna Mamake, accompagnée de seulement quatre wamūji, ses gardes personnels, fit une apparition surprise dans la cité.

La reine avait une demande bien particulière à adresser au gouverneur de la région. Une demande qu’il ne pouvait refuser, bien que cela l’eût irrité dès la réception du message : la reine souhaitait visiter la fosse.
Et cette requête ne pouvait être ni refusée, ni ignorée...

Cette même nuit, ZA Dãna Mamake rejoignit YA Ãsaïr Këta, le gouverneur du Ān, méfiant face à cette visite inopinée, mais sans laisser transparaître la moindre crainte.
D’un pas assuré, elle talonnait l’homme, qui entreprit de lui expliquer, non sans un certain cynisme, le fonctionnement de la fosse du Ān, ainsi que le sort des innombrables hommes et femmes morts ici au fil du temps.

— Les prisonniers de la région, jugés pour des crimes graves, nous sont envoyés ici, dit-il. Puis invité à combattre dans la fosse, où ils doivent lutter à mort, à mains nues. Ou, si le public le décide, avec une arme… s’ils ont de la chance. Un simple bout de bois… s’ils en ont un peu moins.

— Et que devient-il, s’ils parviennent, par miracle, à triompher de vos hyènes ? rétorqua la reine. Ces félons sont-ils libérés ?

Autour d’eux, le gloussement strident et oppressant des hyènes résonnait contre les dalles de brique de la bâtisse souterraine. Quelques prisonniers relevèrent péniblement la tête au passage de la reine Mamake.

Les prisonniers, attachés par le cou et enchaînés entre eux à la taille à l’aide de lourdes chaînes métalliques, ne se privèrent pas de la gratifier d’insultes et autres réjouissances.
Jusqu’à ce que l’un des wamūji fracasse la mâchoire d’un elfe, qui avait osé cracher à ses pieds, d’un coup sec du manche de sa lance.

L’elfe s’écroula, gloussa en suffoquant, puis se traîna hors du chemin comme une vulgaire paillasse usée, tenant sa mâchoire démantibulée, dégoulinante de sang.

— Libérés ? répondit le gouverneur en ricanant, tout en fixant le regard désespéré et terrifié de ses prisonniers. Non… les vainqueurs sont invités à combattre de nouveau. Et ce, jusqu'à ce qu’ils perdent…

La reine se retourna et balaya du regard les tribunes vides, éclairées par un filament argenté de lune, qui parvenait à se faufiler à travers les barricades métalliques du haut dôme.

— Voici donc ou finissent les alkebs ne respectant pas mes lois : ils finissent ici… Dans la. fosse...dit-elle en sortant un tissu de l’une de ses manches, qu’elle porta à hauteur de son nez. Moi qui pensais avoir tout vu… je me rends compte que, pour certains, il existe encore des recoins plus délétères que ma propre chambre à coucher…

Le gouverneur laissa échapper un sourire indéfinissable.

— Ces hommes et ces femmes sont des criminels, ma reine. Nul besoin de vous soucier d’eux. Ils sont…

— Si ces gens sont des criminels, alors vous, qui vous délectez de leur désespoir et mettez en scène leur mort, qu’êtes-vous ? Des monstres ? Des juges ? Des Célestes ? répliqua-t-elle, s’approchant de lui d’une voix presque confidentielle.

Elle poursuivit :

— Oh, ne vous méprenez pas. Je me fiche éperdument du sort de ces gens : qu’ils meurent noyés dans la mer de Xepekwe, des cailloux attachés aux pieds, dévorés par vos hyènes, ou pendus par les bras, recouverts d’araignées, sur les Îles Hurlantes… soit.
Ce que je cherche à savoir, vénérable gouverneur du Ān, c’est : pourquoi faites-vous cela, exactement ?

L’homme au dos large recula d’un pas de côté, visiblement déstabilisé par la franchise de la reine, qui le fixait désormais de ses yeux pétillants, crépitant d’une lueur bleutée.
Il se ressaisit l’instant d’après, refusant de laisser paraître la moindre faiblesse devant cette Mamake qui, peu de temps auparavant encore, lui semblait être une femme qu’il pouvait manipuler, impressionner par la brutalité et la violence de son mode de vie.

— Nous sommes la tribu des Grandes Plaines du Nord. S'exclama-t-il d'un ton éloquent et provocateur. C’est ainsi que nous vivons, et il en a toujours été ainsi, ma reine. Si je dois répondre avec autant d’honnêteté que vous venez de le faire…
Outre le fait que ce soit notre manière de rendre une forme de justice aux gens lésés par ces criminels, je dirais que… nous faisons cela également… pour nous divertir.

— Pour vous divertir... répéta la reine d’un ton encore plus grandiloquent que le gouverneur.

ZA Dãna se dirigea alors vers les cellules les plus étroites, au fond de l’arène ensablée, encore tachetée du sang frais du dernier combat.

Tout en avançant, elle rappela que les Mamake, son clan par alliance, bien qu’ils fussent été à l’origine des premiers combats de prisonniers dans des fosses du temps our les Fauves-Seigneurs reignaient en maître, où la foule pouvait venir parier sur les vainqueurs, les perdants, se divertir, ou même participer de leur plein gré, n’avaient plus pratiqué cette coutume depuis longtemps.

De ce temps, il était même promis une place parmi les wamūji à tout volontaire capable de remporter un combat et de prouver sa force, sa dextérité ainsi que son courage. Elle fit également remarquer que depuis le règne de RË Exe II Mamake, cette pratique avait été reléguée aux oubliettes… pour des raisons relativement évidentes.

Après avoir fait le tour des premières cellules ou les hyènes étaient gardées, la reine s’arrêta.

Devant elle se tenait une immense bête noire zébrée. L'animal était enchaîné dans une cage sombre et fétide, à peine assez haute pour lui permettre de se tenir sur ses quatre pattes, chacune aussi larges que des plateaux de gúo.
Les yeux gris foncé et luisants de la créature fixèrent longuement ZA Dãna, qui, sous les regards attentifs de la suite d’alkeb qui la talonnait, soutint ce regard sans fléchir.

À la surprise générale, l’énorme hyène alkeb se redressa, recula dans sa cage, et poussa un gloussement strident, avant de gratter frénétiquement le sol et les parois de ses pattes massives.  La bête, qui faisait au moins trois fois la taille d’une hyène ordinaire, semblait… terrifiée.

ZA Dãna se retourna finalement vers son gouverneur et s’approcha de lui, le fixant du regard, un sourire en coin aux lèvres.
L’homme affichait un air perplexe. Grave… et conquis à la fois.
D’un geste nonchalant, la reine leva sa main droite et l’accompagna d’un mouvement de tête.

— Gouverneur YA Ãsaïr, savez-vous ce que c’est ? demanda-t-elle en jouant distraitement avec la bague d’émeraude qu’elle portait à l’index. La pierre luisait, donnant un subtil contraste harmonieux sur sa peau caramel.

L’alkeb fit miroiter son endokã afin d’en étudier les détails et ses yeux, d'un noir de jais, prirent l'instant suivant une couleur bleue électrique. Mais, il se ravisa, reportant malgré lui son attention vers l’hyène, qui s’était soudainement calmée depuis que la reine, après cet étrange échange, s’était éloignée des barreaux de sa cage. Comme si quelque force invisible avait brusquement pris le contrôle de l’esprit de la bête.

Il reporta finalement son regard vers la bague de la reine, puis parla :

— Je pense savoir, oui… Du moins, j’ai entendu bien des histoires. À votre sujet, et à propos de cette…

Il hésita, puis reprit :

— … de ce bijou que vous portez. Oserais-je donc vous demander, ma reine, si ces racontars sont fondés ? Si ce que nos djēle nous content est vrai ? Dans le cas contraire, je demande d’en disposer à ma guise. Je les ferai déférer ici même. Je les ferai pendre par la langue, au milieu de l’arène, pour avoir propagé de telles calomnies à votre sujet, dit-il prudemment, tout en jetant un regard suspicieux aux quatre wamūji, droits comme des statues, qui entouraient la reine.

Cette dernière eut un sourire de triomphe.

— Les pendre par la langue… rien que ça ! Le spectacle vaudrait le détour, je dois l’avouer… Cela dit, nul besoin de priver vos meilleurs poètes de leurs outils de travail. Quoi que vous ayez entendu sur moi de leur part est exact… et pire encore, dit-elle en reprenant sa marche dans les allées, s’engageant vers les autres cellules en empruntant un étroit escalier de pierre, comme si le chemin venait tout juste de lui être révélé.

Un souffle d’air chaud siffla à son oreille, comme une caresse de l'invisible. Les cauris ornant sa couronne, reliés par une gourmette élégamment torsadée en Lyr, scintillaient de mille feux et recouvraient ses longues dreadlocks qui descendaient jusqu’au creux de son dos. En silence, sa suite la suivit dans son exploration des cellules de la fosse.

— Mais dans ce cas alors… pourquoi ? Ma reine, pourquoi me dites-vous cela ? Je pensais que… enfin… j’aurais pensé que vous garderiez ce genre de choses pour vous… dit-il, toujours sur ses gardes, prêt à se défendre au moindre geste suspect des wamūji postés de part et d’autre de lui.

Mais la reine ne semblait pas lui prêter attention. Elle se contentait d’observer l’architecture spiroïdale et imposante de la fosse. De la complexité des tenures en brique et des gonds en acier forgé retenant les hyènes dans leurs cages, parfois même suspendue au-dessus des cellules des prisonniers. À cet instant, elle paraissait redevenue une enfant, émerveillée par ce qu’elle voyait.

— Pour ci, pour ça… De l’impatience à l’ennui, des pleurs au rire… Pour la même raison que vous, répondit-elle énigmatiquement, désormais à sa hauteur tout en lui décochant un sourire froid et détaché. Pour me divertir.


THE EXTENDED UNIVERSE

The timeline of the first stories of alkebworld

Couverture de contes et légende avec un Griffon majestueux sur le sommet d’une montagne, ailes déployées sous un soleil éclatant dans une ambiance lumineuse et divine

Tale

The Pinnacle of the Black Panther

Mythology, Epic, Dark Fantasy

Read the tale

Couverture de la nouvelle Jessy, visage d’une femme dans la pénombre bleutée avec un doigt sur les lèvres, titre rouge lugubre

Novel

Jessy

Psychological thriller, Supernatural, Social drama

The complete story

Chronic

The Naked Spirit

Urban Fantasy, Political Thriller, Adventure

Read the chronic